Une histoire de vagues
Comment une rencontre inattendue avec l'acupuncture a bouleversé ma vie
J'ai publié une note cette semaine sur l'observation de surfeurs à Biarritz.
Les vagues.
Elles font partie de notre vie, qu'on le veuille ou non.
Certaines sont à prendre, d'autres à laisser passer.
C'est vrai pour le surf, et aussi pour l'entrepreneuriat.
En regardant en arrière, je vois les vagues que j'ai prises sans réfléchir.
Je n'ai pas de regrets, juste des leçons.
Des leçons que je partage avec vous dans cette série d'articles.
On commence par la plus grande : mon diplôme d'acupuncture.
J'aborderai dans un second article d'autres micro-vagues. Et dans le troisième, ma méthode d‘analyse quand un nouveau projet se présente.
Ma découverte de l'acupuncture
Rien ne me prédestinait à consulter un acupuncteur, et encore moins à démarrer un programme pour le devenir.
Endométriose : le début d'un long combat
À 19 ans, j'ai été diagnostiquée d'une endométriose sévère.
Une maladie sournoise, sans remède.
Un yoyo d'inflammations au gré des hormones.
La chance dans ma malchance ? Être prise en charge tôt.
J'ai tendance à oublier beaucoup de choses du passé, mais je peux vous décrire la pièce dans laquelle je me trouvais quand le chirurgien m'a expliqué ce qu'il avait trouvé lors de l'opération.
Je n'avais jamais entendu ce nom.
Et je pensais être débarrassée de mes douleurs grâce au retrait de ce kyste ovarien.
Je n'étais pas au bout de mes peines, mais heureusement je ne le savais pas.
Mais parfois, mieux vaut ne pas voir le sommet avant de grimper.
J'étais en classe préparatoire, un enfer déjà, et encore plus quand on est régulièrement malade.
Le destin frappe à ma porte
J'ai quand même fini mon année, j'ai passé mes concours d'école de commerce et j'ai obtenu l'école de Marseille.
Pas la meilleure, on m'a proposé de redoubler.
J'ai refusé et décidé d'y aller. J'avais compris à quel point ma santé pouvait m'handicaper, et je n'avais aucune assurance que cette nouvelle année allait mieux se passer.
Bien m'en a pris car j'étais faible.
Ma première année en école a été difficile.
J'allais plus souvent mal que bien, mais heureusement le rythme était plus calme qu'en prépa. Une chose m'embêtait par contre : l'absentéisme était tel que des règles drastiques avaient été mises en place.
Aucune absence non justifiée n'était tolérée.
Et c'était compliqué pour moi d'avoir un mot du médecin pour chaque journée de douleur.
Forcée, je me suis retrouvée à solliciter un rendez-vous avec mon professeur principal, une personne sympathique, mais devoir m'ouvrir de ma maladie était compliqué pour moi.
Un aveu de faiblesse, une vulnérabilité que je n'affichais pas.
Peu de personnes savaient que j'étais malade et souvent c'est dans le pire que j'ai obtenu mes meilleurs résultats.
Notre échange a été sympathique, mais bizarre car il m'a parlé de son frère vétérinaire qui prenait des cours d'acupuncture avec un homme très fort dans ce domaine (d'après ses dires) et il m'a donné le numéro de téléphone de ce monsieur, en m'incitant à y aller.
C'est une des fois où je pense que le destin a frappé.
Parce que jamais je n'y serais allée si une autre personne que lui ne me l'avait conseillé. Mais je pensais qu'il le saurait si je n'y allais pas, et j'avais tellement peur que mes absences me soient reprochées, que je m’y suis rendue.
Chez l’acupuncteur : au-delà des apparences
Tous mes voyants étaient au rouge :
Je ne croyais pas en l'acupuncture, ni en aucune médecine douce. Ma mère nous avait un peu soignés à l'homéopathie enfant mais cela ne m'avait pas marquée.
L'acupuncteur exerçait dans une chambre de son appartement.
Appartement dans les quartiers Nord de Marseille, un quartier dans lequel je n'allais jamais.
Mais j'y suis allée, en me disant qu'ayant des moyens limités, je pourrais dire que je ne pouvais pas continuer par manque d'argent.
Je suis arrivée, c'était un personnage, la soixantaine. Il avait appris l'acupuncture car il avait été karatéka jeune. Sa femme était adorable. Il parlait mal français et ne donnait pas d’explication sur ce qu’il faisait. Cela sentait fort le moxa, une sorte de gros cigare utilisé pour chauffer des parties du corps.
Je lui ai expliqué ma situation et lui ai indiqué que je devais me faire réopérer en août pour des lésions internes. Nous étions alors en février. L'opération serait lourde et je ne pouvais pas la faire pendant l'année scolaire. J'étais suivie par un des meilleurs chirurgiens de France, heureusement à Marseille.
Il m'a dit d'annuler mon opération car il allait me soigner. Il m'a proposé une sorte de forfait, je ne payerais qu'à la fin. Mon excuse de l'argent limité n'allait donc pas marcher pour pouvoir ne plus m’y rendre.
Je lui ai dit "oui, oui" et je l'ai trouvé sympathique. Mais je n'y croyais pas une seconde.
J'y suis pourtant retournée. Mon côté bon élève m'a sauvée.
Quand l'impossible devient réalité
Vous vous doutez de la suite, vu que je vous ai dit que j'ai passé un diplôme d'acupuncture.
J'ai bien sûr maintenu ma date d'opération. Je n'avais pas de traitement hormonal à ce moment-là. Il n'y avait qu'à attendre et souffrir.
J'ai fait une dizaine de séances d'acupuncture, une par semaine. Toujours les mêmes points, une dizaine et du moxa. Je me suis retrouvée une fois en séance avec ma professeure de marketing. Ah oui, nous étions deux à la fois dans la chambre. Encore un truc bizarre.
Et je me suis fait opérer. Cela devait durer des heures, ça n'en a duré même pas une. Le plus dur a été de me réveiller de l'anesthésie.
Je n'avais plus rien.
Pour compléter si vous êtes sceptiques, ce que je comprends bien, mon diagnostic avait été fait sous anesthésie également. Ils étaient allés voir les lésions pour bien se préparer à l'opération suivante.
Quand j'ai eu le rendez-vous final avec le chirurgien, il m'a demandé ce que j'avais fait pendant ces mois d'attente car il n'avait aucun doute sur ce qu'il devait trouver. Et il m'a dit « tant mieux pour vous, ça a marché ».
Je suis retournée voir mon acupuncteur, un peu fautive de ne pas l'avoir cru.
Il m'a répondu « bah oui, je te l'avais dit ».
Le déclic : une nouvelle voie s'ouvre à moi
Voilà mon histoire et cela aurait pu s'arrêter là.
Mais là quelque chose a vrillé dans ma tête. J'avais 20 ans, et une confiance totale dans ce qu'on m'avait appris. Et là quelque chose était arrivé et je ne le comprenais pas.
Mon acupuncteur, au demeurant excellent vendeur, m'a alors proposé de venir suivre les cours qu'il donnait à l'hôpital.
De retour sur les bancs de l'école
Je ne vais pas tout vous détailler de mon parcours d'apprentissage car j'ai mis 8 ans à avoir mon diplôme. Normalement cela se fait en 5 ans, mais j'ai triplé ma première année. J'ai eu beaucoup de difficulté à rentrer dans la philosophie et le contenu en première année était beaucoup du par cœur et de l'anatomie. Et j'ai toujours détesté la biologie.
Mais je me suis accrochée et ensuite c'était beaucoup plus sympa, très logique en fait. Des liens de causes à conséquences qui me rappelaient des problèmes en mathématiques, là où pour le coup j'excellais. J'ai été major plusieurs fois. Et à ma grande surprise, un jour j'ai été diplômée.
L'envers du décor : les obstacles d'une profession méconnue
Je n'ai eu aucune réflexion sur mon installation possible et ce métier. Mais je l'ai testé pendant 5 ans, à côté de mon activité de salariée.
Et j'en viens aux problèmes dans tout cela, ce que je n'avais pas prévu, par manque de prise de recul.
1- Un risque fort d'être attaqué par l'ordre des Médecins. L'acupuncture nécessite l'introduction d'aiguilles stérilisées dans le corps. C'est une des médecines douces les moins tolérées. D'ailleurs interdiction d'utiliser le terme de Médecine Traditionnelle Chinoise, car le mot médecine est dedans. Dans les faits, j'avais bien une assurance professionnelle pour cette activité, un collecteur de déchets médicaux qui venait chaque mois. Tout était dans les clous, mais le risque de dénonciation était fort.
2- Et donc l'obligation de se cacher. Je pratiquais dans un cabinet médical, je sous-louais une salle un jour par semaine. Mais il était dangereux de mettre une plaque dans la rue et encore plus de faire la promotion de l'activité. Car la publicité, le marketing sont interdits dans les professions médicales.
3- On en vient au point suivant. Comment se faire connaître alors ? Uniquement par le bouche-à-oreille. C'est donc long et cela prend généralement 5 ans pour se faire une clientèle, qui doit toujours se renouveler car certains patients ne viennent plus.
4- L'idéal pour un traitement par acupuncture est de venir plusieurs fois, sur plusieurs semaines. On travaille souvent sur des maladies chroniques. Or ça coûte cher, car il y a 15 ans, il y avait peu de remboursement par les mutuelles.
5- L'acupuncture a un champ vaste d'applications mais j'ai pu voir que cela fonctionnait très bien sur des maladies comme des rhumes, grippes. C'est pour le coup quasi immédiat. Sauf que personne ne va chez l'acupuncteur pour une grippe. Les personnes qui se présentent ont des multi-pathologies, qui s'accompagnent souvent d'une prise importante de médicaments. Dont les effets secondaires s'imbriquent. Sans surprise, il est difficile de les soigner et l'impact des médicaments est problématique. Mais il n'est pas question de leur dire quoi que ce soit sur les traitements.
Sauf quand on a la personnalité de mon acupuncteur. Il dit tout ce qu'il pense, ne se pose pas 10 000 questions et a un tel bouche-à-oreille que sa clientèle est faite pour des années. Des gens traversent la France pour venir le voir.
Ma réalité n’était pas la même.
Quand la réalité me rattrape : mes propres barrières
Je rajouterai deux points en plus qui m'ont posé problème, mais qui me sont propres :
- C'est très compliqué de gérer la détresse des gens. Et on passe sa journée à n'entendre que cela, car les personnes qui arrivent ont de graves problèmes. Je ne peux pas.
- Il faut se dédier à cette pratique, pour réussir à en vivre à terme mais aussi pour maintenir son niveau de connaissances (a minima) et l'étendre car le sujet est vaste. Je ne crois pas qu'il soit possible de cumuler cette activité avec une autre activité à plein temps ou quasi plein temps. Or à l'époque je suis rentrée dans la start-up dont je vous ai parlé. Et ce job m'a pris mes journées, soirs et week-ends pendant quelques années.
Le grand saut : tourner la page pour mieux avancer
Tout cela explique pourquoi j'ai radié cette activité un beau jour de juin, sur ce qui peut s'apparenter vu de l'extérieur à un coup de tête. Mais non, c'était juste la conclusion de mon expérience.
Ce que j'en retire ?
L'action crée l'information.
Je ne pouvais pas connaître tout cela lorsque j'ai démarré mon parcours diplômant ni ma pratique en cabinet.
Mais si vous êtes sur ce chemin-là, peut-être que mon partage d'expérience peut vous faire réfléchir.
La semaine prochaine, je vous parlerai des vagues suivantes, moins hautes. Certainement un apprentissage de cette expérience en acupuncture.
À bientôt ?
Tiffany
PS : si vous voulez me suivre au quotidien, j’écris une note par jour en novembre ici.