J'ai partagé une note sur ce sujet un matin du mois dernier, après une nouvelle outrance du gouvernement Trump.
Et puis j'ai continué à y réfléchir.
Nous avons acheté un van Ford en septembre dernier, et avons eu des défaillances électroniques. J'ai pris rendez-vous pour la première fois chez le garage Ford de ma ville, qui me l'a pris pour faire un diagnostic.
Quand je suis revenue le chercher, ils m'ont expliqué que tout était lié à des mises à jour système. Et que c’était réglé maintenant.
Et ils ne m’ont rien fait payer.
J'ai été très surprise de ce geste.
Étrange, notre époque où même la gratuité est devenue suspecte.
"Si c'est gratuit, c'est que vous êtes le produit" - ce mantra numérique s'est infiltré dans nos esprits. Et nous a rendu encore plus méfiant.
Quand je propose du contenu sans contrepartie immédiate, je sens parfois cette méfiance chez certains lecteurs. Ils attendent le "piège", le moment où je vais dévoiler ma véritable stratégie commerciale.
"Où est l'arnaque ?"
"Quand va-t-elle nous vendre quelque chose ?"
"Pourquoi investit-elle du temps si elle n'en tire aucun profit ?"
Comme si la gratuité était devenue inconcevable dans notre monde hyper-monétisé. Comme si toute action devait nécessairement cacher une intention lucrative.
Alors oui, placer un lien vers mon mentorat au bas de cette newsletter donne paradoxalement du sens. Elle rassure. "Ah, voilà comment elle se rémunère."
Et aussi proposer des articles en payant deux fois par mois.
Cette transparence crée plus de confiance que l'absence totale de proposition commerciale, qui laisserait planer un doute sur mes véritables intentions.
Un signe supplémentaire que notre rapport à l'échange est profondément perturbé, quand même le don peut générer plus de méfiance que de gratitude.
La question du paywall : entre accessibilité et valorisation
Je dois l'avouer: publier mes articles Ressources derrière un paywall continue à me créer un inconfort.
Quelque chose en moi résiste à l'idée de retirer de la circulation un contenu que je juge pertinent, utile, potentiellement transformateur pour certains.
Je me surprends parfois à penser: "Est-ce que cette information ne devrait pas être accessible à tous?"
Et pourtant...
À 7€ par mois (ou 70€ par an), le tarif me semble rester dans une fourchette d'accessibilité raisonnable. Moins qu'un livre par mois.
Je me dis aussi que Substack, en tant que plateforme, pousse naturellement les newsletters avec une offre payante. Pas par cynisme, mais par nécessité économique - eux aussi ont besoin de vivre de leur activité.
C'est le paradoxe que nous partageons tous, créateurs de contenu sur ces plateformes :
Nous aspirons à partager largement nos idées.
Nous avons besoin de valoriser notre travail.
Les plateformes qui nous hébergent ont leurs propres impératifs économiques.
Il n'existe pas de solution parfaite à cette équation. Seulement des compromis imparfaits, des équilibres précaires que nous ajustons constamment.
Comme quoi, même avec les meilleures intentions du monde, nous restons pris dans ce système d'échange où la gratuité totale reste un idéal difficile à atteindre.
Quand tout devient marchandise
Il fut un temps où l'on gardait les enfants des voisins sans penser à facturer.
Où l'on aidait aux récoltes par solidarité.
Où l'on partageait des savoirs sans abonnement mensuel.
Aujourd'hui ?
Notre attention est vendue aux annonceurs.
Notre temps est tarifé à l'heure.
Nos données personnelles sont un actif négociable.
Même nos relations se professionnalisent en "réseaux".
Cette transformation n'est pas récente.
Mais son accélération, oui.
Les racines historiques d'une métamorphose
La monnaie existe depuis des millénaires.
Mais elle coexistait avec d'autres formes d'échange :
Le don et contre-don dans les sociétés traditionnelles
L'entraide villageoise dans les communautés rurales
Les échanges de services non comptabilisés
Ce qui a changé ? L'étendue de cette marchandisation.
Des domaines auparavant préservés sont progressivement entrés dans la sphère marchande :
La garde des enfants et des aînés
L'alimentation (de l'autoproduction à l'ultra-transformation)
Le partage des connaissances et des compétences
L'illusion du "tout-marché"
Nous avons intériorisé l'idée que tout peut et doit avoir un prix.
Que tout service mérite rétribution.
Que toute action doit apporter un "retour sur investissement".
Cette vision s'est infiltrée jusque dans notre langage :
"Investir" dans une relation
"Rentabiliser" son temps libre
"Capitaliser" sur ses expériences
Comme si notre existence entière devait répondre aux règles d'un business plan.
Des espaces où respire encore la gratuité
Pourtant, des poches de résistance existent toujours :
L'amour familial
L'entraide entre amis et voisins
Le bénévolat
La créativité pour le plaisir
Les connaissances partagées
Ces espaces nous rappellent que nous sommes plus que des agents économiques.
Quand j'ai créé ma constellation professionnelle, j'ai justement cherché à préserver ces zones de non-transaction. Des moments où l'argent n'est plus le moteur principal, mais plutôt un moyen de soutenir ce qui compte vraiment.
Le paradoxe de ma liberté
Parfois, en pleine écriture d'un article gratuit, je suis rattrapée par une pensée limitante.
Avant, j'étais salariée.
Je vendais mon temps contre un salaire confortable. Une équation simple, claire, socialement valorisée. Chaque heure comptée, chaque mission rémunérée.
Aujourd'hui ? Je me retrouve avec beaucoup moins de revenus et des pans entiers d'activité gratuite. Des heures d'écriture non facturées.
Du temps "offert" sans contrepartie directe.
Dans ces moments, le doute s'infiltre.
Est-ce que je me sabote ? Est-ce que je devrais chercher à mieux gagner ma vie, à retrouver ce niveau de revenus d'avant ? Pourquoi ai-je quitté la sécurité d'un bon salaire pour me retrouver à offrir gratuitement ce qui faisait autrefois ma valeur professionnelle ?
Ces questions me traversent, inconfortables et persistantes.
Je n'y réponds jamais de la même façon.
Certains jours, je me dis que cette gratuité est une forme de luxe que je peux m'offrir grâce à mes autres activités.
D'autres jours, je m'interroge sur la valeur que j'accorde à mon propre travail.
La vérité, c'est que cette constellation d'activités - certaines lucratives, d'autres gratuites - reflète ma relation ambivalente avec l'argent. Je cherche encore (s'il existe ?) l'équilibre parfait, ce point où liberté et sécurité financière peuvent coexistent.
Le dilemme du créateur gratuit
J'écris ici gratuitement chaque semaine.
Ces articles sont une respiration dans ma vie. Un espace où je partage sans calculer de retour immédiat.
Le plaisir que j'en tire vient précisément de cette gratuité. Cette liberté de ton, cette absence de pression commerciale. Quand j'écris ces lignes, je ne suis ni consultante, ni mentor – juste Tiffany qui partage ses réflexions.
Et pourtant, ce choix n'est pas sans conséquence.
Car en offrant gratuitement mon contenu, je participe malgré moi à un système qui fragilise ceux qui vivent exclusivement de leurs écrits. Des journalistes, des écrivains, des rédacteurs qui voient leur métier dévalué par l'abondance de contenus gratuits.
Suis-je complice d'une dévalorisation générale du travail créatif ?
Je n'ai pas de réponse à cette question.
Je sais juste que dans ce monde où tout tend à devenir soit totalement gratuit, soit excessivement monétisé, les zones intermédiaires sont rares. Ces espaces où la valeur est reconnue sans être réduite à un prix.
Ma solution imparfaite est ce modèle hybride : partager gratuitement l'essentiel tout en proposant un approfondissement à ceux qui souhaitent soutenir ce travail.
Un équilibre fragile et discutable.
Mais qui tente de réconcilier ces deux dimensions contradictoires de notre monde.
Intéressé par mon approche? Allons plus loin ensemble
Dans mon dernier article Ressources, je vous partage mon outil des trois mondes. Vous avez plus de 40 ans, il est pour vous.
Accéder aux Ressources - 7€/mois
Besoin d'un accompagnement personnalisé?
Mon offre de mentorat individuel pourrait être la clé de votre transformation financière (mais pas que). Je vous propose un diagnostic gratuit de 20 minutes pour explorer ensemble vos défis et opportunités.
Des questions ou une expérience à partager?
Et vous, quelle place occupe l'argent dans votre vie ? Avez-vous trouvé des espaces où il n'est plus la mesure principale ? Partagez en commentaire ou envoyez-moi un message.
À bientôt ?
Tiffany
PS: Si vous avez manqué mon article précédent sur mon mois de mars, vous pouvez le retrouver ici.
PSS: J’écris sur Notes mes nouvelles idées.
Je trouve également que le prix libre et conscient est intéressant (ou les tranches de prix consciente). Cela ne d'évalue pas le travail puisque sa valeur est rendue visible.
Il invite à la réflexion des personnes qui achètent sur leur propre rapport à l'argent et leur situation économique et il rend le contenu accessible à un plus grand nombre de personnes (équilibrage entre ceux qui peuvent donner un peu plus que la valeur et ceux qui n'en n'ont pas les moyens) 😊