Cette newsletter est mon récit d'un changement de vie complet, fait à l'aube de mes quarante ans. Le journal d'une déconstruction progressive de tout ce que je pensais être "la norme" : le salariat, la montée dans la hiérarchie, le management d’une grande équipe, travailler dur mais consommer beaucoup, et se dire qu'on profitera quand viendra la retraite.
J’ai aujourd’hui une vie simple avec plusieurs activités, qui m’occupent quelques heures par semaine : une marque regroupant des gîtes touristiques dans ma ville, un e-commerce de décoration intérieure et l’écriture de cette newsletter.
Plus de réveil le matin, pas de patron, pas de collègues non plus, travailler de la maison et moins de revenus.
Tout cela ouvre de nouveaux challenges que j’essaye de relever depuis bientôt 4 ans. Peut-être que ce chemin est ou sera aussi le vôtre ?
Mi-octobre, de la pluie et le covid. Mes deux premières semaines de « sprint » ont été difficiles mais j'ai tenu la barre. Le covid n'est jamais grave en symptômes pour moi, mais la fatigue qu'il entraîne est un tsunami.
Je suis passée en mode minimum, un peu comme les sociétés qui passent sous générateur et qui ne doivent plus maintenir que l’indispensable.
Le strict minimum a été pour moi la poursuite de l'écriture de mes articles, la gestion de mes gîtes et le suivi des ventes sur mon e-commerce. En parallèle, le bazar a envahi ma maison et je ne me suis rarement sentie mieux que quand j'ai tout rangé. Note pour mon moi du futur - toujours ranger car cela me décourage d'arriver dans du désordre.
Un mot écrit par Matthieu Osada m'a beaucoup parlé :
Remplissez votre verre pour vous et ne donnez aux autres que ce qui déborde.
Je n'avais rien qui débordait les deux dernières semaines et même si je suis contente d'avoir réussi à écrire mes 4 articles, était-ce vraiment nécessaire ?
Probablement pas.
J'ai une pensée contraignante sur la fréquence et le jour de publication que je ne vois que comme des obligations : je dois publier chaque semaine et si possible les mêmes jours. Et puis je respire, et je me dis que j'aime lire le contenu de certains auteurs sur Substack et que je ne me dis pas « on est lundi, il est où l'article ? ».
C’est le sujet de l’article de Maud Alavès cette semaine et il tombait à pic.
Autant sur mes articles Ressources, je veux en produire un par semaine car c'est plus une bibliothèque de contenus que je construis et leurs contenus est très clair dans ma tête.
Autant sur ce texte, c'est plus spontané, une idée, une envie d'écrire, une publication. Je ne suis pas encore capable de le prévoir et je ne suis pas certaine d'être capable de le prévoir au vu de mon fonctionnement.
Mon rejet de la grosse organisation
Dernièrement je vois des créateurs qui reviennent à une organisation plus simple, comme Matt d'Avella ou Eliott Meunier. J'ai l'impression qu'une boucle d'apprentissage se crée entre démarrer son activité en ligne, créer des formations / produits digitaux, embaucher une équipe pour le développer, se rendre compte que cela tue sa créativité et revenir à plus simple.
À chaque fois que je vois un créateur dire « oh nous sommes maintenant 10 à développer mon activité », une voix dans ma tête me souffle « oh le pauvre, il ne se rend pas compte ».
J'ai eu plusieurs phases dans ma carrière
1. Une première où je me développais et où je testais différents métiers : responsable statistique, commercial point de vente, brand manager, commercial de solution marketing. J'étais seule, c'est-à-dire que je ne manageais personne. Ce ne furent pas de mauvaises années. Je n'ai pas aimé tous les postes, mais j'ai aimé les challenges qu'ils ont amenés.
2. La suite de ma carrière s'est poursuivie dans des entreprises en création (start-up), une PME, ou des petites filiales françaises de grands groupes. Ces tailles m'ont convenu. Mais une donnée a changé : maintenant je manageais. Cela s'est fait un peu malgré moi.
3. Je me suis retrouvée à manager la création d'un nouveau rôle. Ce n'était pas désagréable : imaginer le poste, écrire la fiche de poste, recruter la première personne, l'accueillir et voir comment cela se met en place. Mais on tombe vite dans une routine opérationnelle qui occupait toutes mes journées, au détriment de ce que j'aimais faire : créer des solutions.
4. J'ai fini par me brûler, et j'ai quitté cette société sur les rotules pour revenir à un rôle simple : product manager de solutions informatiques. Personne sous mes ordres, juste mon PC pour imaginer et décrire les logiciels. C'était super, mais super calme aussi.
5. Et là la start-up est arrivée. Je retrouve un secteur jeune, dynamique, tout à créer. Et je suis encore seule. Il y a eu plusieurs phases : celle d'avant démarrage, puis le lancement. Je me suis retrouvée à créer et piloter l'équipe Opérations, en plus de mon rôle Produit. Cela a duré quasi 10 ans, avec des changements organisationnels mais j'ai toujours eu à manager des gens, que ce soit en lien hiérarchique direct ou en transversal.
Pourquoi ce rejet ?
J'ai eu des problèmes avec des salariés, comme n'importe quel manager.
Il y a eu des personnes contentes et mécontentes.
Des bons moments et des très particuliers.
Mais ce que je retiens c'est la lourdeur. Devoir expliquer, encore et encore. C'est normal, ça s'appelle accompagner au changement.
Porter un masque, toujours.
Ne pas pouvoir tout partager, devoir écouter, être disponible.
Être le moteur, la locomotive.
Et puis ne pas toujours être aligné avec les choix de la direction, mais ne pas le dire. Pas parce qu'on me l'interdit, mais parce que j'ai conscience du bazar que ça mettrait.
Le dilemme entre vouloir des projets stimulants et la lourdeur de la gestion
C'est une tension que beaucoup de managers ressentent. Le besoin de nouveauté et de challenges vs le poids des tâches de management.
À un moment, je gérais trente personnes et je travaillais tout le temps, soir et week-end compris. J'avais en charge la dimension mise en œuvre, avec toutes sortes de clients. Des enseignes de grands magasins, des festivals de musiques, des commerçants indépendants, des vendeurs à domicile.
Chacun avait ses problématiques, mais surtout chacun avait son agenda. Les enseignes de septembre à mars, puis à partir de mars les festivals jusqu'à fin août.
Un peu fatiguée (un euphémisme), un nouveau plan d'organisation m'est alors proposé. Me concentrer uniquement sur l'enseigne de distribution la plus importante pour notre start-up, avec une petite équipe coup de poing. Passer d'un trop à un agenda ultra simple, sans vrai management direct. Soulagée car fatiguée, mais vite ennuyée car il ne se passe pas grand-chose.
La contradiction
Je veux de la nouveauté, plein de sujets sur lesquels réfléchir mais cela implique une grosse équipe, et donc cette lourdeur inhérente.
Je me retrouve seule dans ma maison en province à gérer mon petit business seule (enfin avec une employée ultra indépendante et une société de ménage prestataire). Et avec une phobie totale de la contrainte, de l'engagement.
Le business prime souvent sur l'humain
Avec ma prise de recul, je me rends compte qu'il n'est pas sain de travailler autant que je l'ai fait. Mais il était difficile de ne pas le faire, dans un contexte de start-up.
Je me rends compte aussi qu'il y a un dysfonctionnement dans le management « traditionnel ». On ne peut pas faire que cela. Quand je faisais mon point « business » avec mon patron, il ne voulait entendre parler que des sujets clients.
Mes points sur le management, la difficulté d'un managé ou des idées de développement de la cohésion d'équipe n'étaient pas réclamés. Je les donnais parce que c'était clé pour moi. Mais j'aurais pu m'en abstenir et cela n'aurait pas freiné mon développement de carrière.
C'est très complexe de trouver la solution. Généralement le manager est l'ancien opérationnel, celui qui a bien réussi dans son poste. Et qui regrette de ne plus être sur les sujets, les mains dans le cambouis. Ou celui qui a réclamé à corps et à cris ce poste et qui ensuite s'en fout un peu (beaucoup).
Des modèles alternatifs d'organisation du travail
Voici quelques idées qui pourraient m'inspirer :
Les micro-entreprises en réseau : au lieu de grossir, rester petit mais s'allier à d'autres structures pour mutualiser certaines fonctions. Crée de l'agilité et de la coopération.
Les "social businesses" : l'humain et l'impact sociétal sont au cœur de leur raison d'être. Les profits sont réinvestis.
Le salaire à vie : le collectif s'engage sur un territoire à fournir un emploi et un salaire garanti. En échange, les membres acceptent une mobilité de leurs missions.
La "société à mission" : l'entreprise définit sa raison d'être au-delà du profit. La mission guide les décisions.
Au final, il n'y a pas de modèle parfait qui conviendrait à tous. Chaque personne, chaque entreprise doit trouver sa propre voie en fonction de ses aspirations, ses valeurs et ses contraintes.
L'essentiel est d'oser questionner les schémas établis et d'expérimenter. Nous passons tant de temps au travail, il est crucial que celui-ci ait du sens et nous permette de nous épanouir.
Que vous soyez dirigeant, manager ou collaborateur, n'ayez pas peur de proposer des changements, d'impulser de nouvelles façons de fonctionner. C'est en innovant, parfois en tâtonnant, que l'on invente les organisations de demain.
Osez le dialogue aussi. Exposez vos besoins, vos idées. La recherche de l'équilibre est l'affaire de tous. C'est en co-construisant que l'on créera des environnements de travail plus responsabilisants, coopératifs et agiles.
Bref, soyez acteur du changement que vous voulez voir. À votre échelle, avec vos moyens. Mais osez. C'est comme cela que l'on transforme le monde du travail, pas à pas. Votre épanouissement, et la performance durable des organisations en dépendent.
à bientôt ?
Tiffany